Oui, j’ai un parcours atypique.

Et j’en ai longtemps eu honte. Je ne compte plus le nombre de réunions de famille au cours desquelles le sujet a été abordé. À la question “que fait Aurane maintenant ?”, j’entendais des “elle est perdue, elle se cherche”, “il faudrait qu’elle fasse ci ou ça”, “elle ne sait pas ce qu’elle veut faire, quel gâchis”, “il serait temps qu’elle trouve quelque chose”, ou encore “elle est juste fainéante, elle manque de volonté !”. Concrètement, j’avais l’impression d’être le vilain petit canard. La fille difficile dont on ne sait que faire car elle n’a pas un parcours typique, la fille qui cause du souci.

Mon tort finalement, c’était de ne pas correspondre à ce que la société me proposait. Je ne me reconnaissais pas dans le parcours scolaire classique, je ne me retrouvais pas non plus dans les divers boulots que j’avais pu tester. Le “monde du travail” ou les études ne m’intéressaient jamais longtemps. Je n’ai pourtant jamais manqué de curiosité, de vivacité d’esprit, de créativité ou de capacités. Simplement, le cadre, tout petit à mon sens, dans lequel on nous demande de trouver notre voie et de nous épanouir n’était pas fait pour moi.
Je suis une personne atypique et j’ai un parcours atypique. Longtemps, j’ai qualifié mon parcours de chaotique. Cela a duré un moment à vrai dire – il y a encore un an, j’avais honte de ce parcours. Je redoutais toujours les réunions de famille ou les nouvelles rencontres, avec cette fameuse question “qu’est-ce que tu fais dans la vie ?”. Cette question à laquelle par moment je ne pouvais rien répondre, car j’étais en recherche, car je ne savais pas vers quoi je me dirigeais. J’ai été pétrifiée, terrifiée par mon incapacité à me trouver dans les cases qu’on étalait à mes pieds et dans lesquelles on espérait que je rentre un jour. Je crois que c’est un des aspects de ma vie qui m’a fait ressentir le plus de honte. Cela a grandement participé au développement de certaines fausses croyances me concernant, du genre “je suis nulle / je suis une incapable / je suis faible”.

 

Je me sentais bêtement inadaptée.

Le monde de l’entreprise m’épuisait. J’en revenais fatiguée émotionnellement, peu satisfaite, frustrée de devoir suivre des ordres que je ne comprenais pas toujours ou que je ne cautionnais pas, lasse d’avoir à faire à des humain.e.s peu respectueuxses et bienveillant.e.s parfois. J’avais l’impression de passer à côté de mon potentiel, je n’étais clairement pas épanouie.

Les études, elles, ne m’intéressaient qu’un temps – le temps de la nouveauté. Autrement, il y avait beaucoup d’impératifs pour peu de possibilités à mon sens. Il fallait dire ceci et faire les choses comme cela et pas autrement, apprendre par cœur (je ne manque pas de mémoire mais je préfère comprendre les choses profondément plutôt que de les recracher telle quelle). Il n’y avait pas assez de libertés, pas assez de place pour raisonner (dans ce que moi j’ai fait du moins). Je n’avais pas le temps de développer mes intérêts multiples, je me sentais restreinte.

Il m’a fallu 26 ans de vie pour commencer à comprendre, et surtout à croire, que ce n’était pas grave de ne pas suivre une route toute tracée et que, peut-être, si je ne correspondais pas à ces moules que l’on tentait de m’imposer, je pouvais créer le mien. Il m’a fallu passer par le droit, l’esthétique, les langues, le commerce, la restauration et l’hôtellerie avant de me rendre à l’évidence : le problème n’était pas tant ma volonté, le problème était le cadre dans lequel j’essayais de me forcer à rentrer à tout prix.

D’autres personnes au parcours atypique découvriront peut-être qu’elles ont besoin de changer de job régulièrement, qu’elles ne sont pas faites pour avoir un métier conventionnel ou pour travailler dans une entreprise du tout et qu’elles préféreront apprendre à vivre en autonomie au sein d’une communauté, ou encore qu’elles ont peu de besoins et travailleront la moitié de l’année seulement et que cela leur suffira, ou peut-être qu’elles n’ont pas encore trouvé THE métier dans lequel elles se sentiront super bien. Dans mon cas, il me fallait devenir ma propre patronne. Je voulais travailler de chez moi afin de respecter ma sensibilité, faire les choses à mon rythme, sans m’épuiser, mais aussi être suffisamment stimulée, pouvoir créer et écrire. Inventer mon propre métier : c’est ce que j’ai choisi aujourd’hui. Je n’ai pas fini d’oeuvrer en ce sens, cela prend beaucoup de temps, mais c’est le seul travail qui en vaille la peine pour moi. Car je suis heureuse de le faire, car il me passionne, car il me rend fière. Ma propre entreprise est la seule pour laquelle j’ai envie de m’investir ainsi à ce jour. Ce n’est ni bien ni mal, c’est juste une réalisation personnelle et chacun.e a la sienne.

Que vous ayez un job conventionnel ou un parcours atypique, vous êtes légitimes. Aucun.e d’entre nous ne devrait avoir honte de suivre ou de ne pas suivre une voie toute tracée. Est-ce d’ailleurs si étonnant, dans une société aussi malade que la notre, que certaines personnes aient du mal à se retrouver dans les schémas classiques ? Au lieu de juger, ne pourrions-nous pas remettre en question l’éducation et le sens que l’on accorde à ce mot ? La notion de travail telle qu’elle est conçue dans le système capitaliste est-elle saine et viable ou pose-t-elle problème actuellement, d’ailleurs ? Le sens d’une vie se résume-t-il à notre profession ? Peut-on juger quelqu’un uniquement sur son parcours scolaire ou pro ? Qu’est-ce que la réussite, in fine ? Pourquoi la première question que l’on pose aux gens que l’on rencontre c’est “qu’est-ce que tu fais dans la vie ?” et pas “qu’est-ce qui te rend heureuxse ?”. Être producti.f.ve et efficace à tout prix, est-ce cela la vie, la vraie ?…

Autant de questions pertinentes pour approfondir le sujet, apprendre à “think outside the box” et arrêter de condamner les personnes aux parcours singuliers.

 

Dans cet article, je tiens à vous dire la chose suivante :

Vous êtes atypique ? Hypersensible ? Singulier.e ?
Ce n’est pas un problème, vous n’avez pas de problème.
C’est courageux de nager à contre-courant.
C’est courageux de prendre des risques.
C’est courageux de s’affirmer, de ne pas se conformer.
Vous n’avez pas à avoir honte, nous n’avons pas à avoir honte. <3

J’espère que cet article vous aura réchauffé le coeur.
Prenez soin de vous, et merci de m’avoir lue !

Love and good vibes,

– Aurane