Y a-t-il un problème avec le milieu du développement personnel ?

 

C’est une question que j’avais très envie de traiter. J’ai moi-même beaucoup gravité dans ce milieu par le passé (développement personnel et spiritualité). Il y a certains mécanismes que j’ai pu observer et qui sont, à mon sens, parfois problématiques. Je vous livre ici ma vision des choses.

J’aimerais en revanche que l’on comprenne mon propos justement. Moi-même, je prends du temps pour moi quotidiennement. Autrement, je craquerais émotionnellement sous le poids de toutes ces injustices. Je prends soin de moi pour continuer à faire ce que je fais, justement. J’aspire évidemment à être plus sereine, plus heureuse, car C’EST IMPORTANT. Il ne s’agit pas de se désaimer ou de se délaisser, au contraire. Simplement, et je crois que c’est là toute la différence entre self love et égoïsme, cet amour n’est pas dirigé que vers moi ou vers ma propre réalisation. J’ai des objectifs personnels et j’ai des objectifs pour l’humanité aussi. Ainsi mon amour porte et accompagne les voix d’autres personnes. Je donne de l’amour aux parts de moi qui en ont besoin, mais aussi aux personnes qui en ont besoin en participant à visibiliser leurs luttes, en soutenant leurs combats, en les menant à leurs côtés. Ma voix ne vaut pas plus, ni moins que leurs voix. Je ne suis pas séparée du monde. J’ai ma propre bulle, je suis un individu oui, mais je suis aussi une fourmi dans la fourmilière – au même titre que vous. Et en ce sens, je considère qu’il est important d’avoir envie de contribuer, chacun.e à notre manière.

Je couple le développement personnel à l’engagement politique et aux luttes militantes, car il n’y a pas à choisir l’un ou l’autre. J’espère avoir été claire. Merci pour votre présence et bonne lecture ❤.

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– Posons les bases :

J’aimerais commencer pas dire que ce n’est pas un mal de vouloir prendre soin de soi. Bien au contraire, c’est même essentiel pour être bien avec soi-même, pour évoluer en tant que personne et faire du bien à son corps, à son esprit. Le développement personnel est utile pour prendre soin de soi, c’est certain. Si problème il y a, il ne réside pas dans le fait de prendre soin de soi mais dans les dérives très concrètes liées aux croyances relatives à la sphère du développement personnel, qui reste une “discipline” servant avant tout l’individu, évidemment.

 

– “Pour changer le monde, change-toi toi-même” :

En développement personnel, on croit beaucoup que “prendre soin de soi c’est aussi prendre soin du monde”, car notre propre bonheur rayonne sur l’extérieur dit-on, et puisque la société ne serait qu’un ensemble d’individus, si chacun.e est plus conscient.e et épanoui.e personnellement, le monde ne pourrait aller que mieux.

C’est la première croyance erronée, très répandue dans ce milieu, que certaines personnes tiennent pourtant pour vérité acquise. Affirmer cela, c’est ne se concentrer que sur les individus privilégiés malheureusement. C’est oublier, aussi, que tout le monde n’a pas le temps, le luxe, les finances ou les ressources (physiques ou psychiques) nécessaires pour faire du yoga, méditer ou acheter tel jeu de cartes, telle formation, tel livre qui transformera sa vision du monde ou de lui-même. Ce n’est pas accessible à tou.te.s, le développement personnel. Il peut effectivement aider quelques humains à devenir des êtres meilleurs, mais cela n’a rien à voir avec un véritable travail collectif qui bénéficie à tou.te.s. Le développement personnel améliore la réalité de l’individu, pas forcément celle de la voisine. C’est, à mon sens, important de garder cela à l’esprit.

Il est également intéressant de constater que cette manière de mettre en avant l’individu est un discours qui a beaucoup servi la construction de la machine capitaliste. “Il n’y a pas de société, il n’y a que des individus” disait Thatcher. Nous vivons dans un système qui pousse chacun.e à s’enrichir personnellement, à viser la réussite personnelle, nous donnant une illusion de liberté et d’accès égal aux ressources pour tou.te.s. C’est le mirage de la méritocratie : tu auras ce que tu mérites, travaille plus pour gagner plus, etc. Ces idées ont des limites très concrètes que nous avons appris à connaître, je le crains.

La société ne serait-elle qu’un ensemble d’individus, alors ? C’est une question de perception, en fait. Il y a bien des cultures différentes de la nôtre au sein desquelles le collectif a autant sinon plus de valeur que l’individu. Arrêtons-nous également sur le fait que, sans le collectif, l’humain n’aurait pas pu assurer sa survie et la maintenir dans le temps. Que nous le voulions ou non, nous dépendons du collectif et ce dernier a un impact sur nous. Ce qui nous amène à notre deuxième point….

 

– L’idée de responsabilité personnelle :

“Tout dépend de nous”, “on attire ce qu’on vibre”, “nous créons notre propre réalité”. Si c’était si simple ! Il est vrai que nous avons un rôle important à jouer dans notre propre bien-être, cependant nous sommes évidemment exposé.e.s aux aléas de la vie. Nous vivons dans un système, dans une société X ou Y, nous sommes conditionné.e.s et nous ne pouvons pas nous extraire totalement du monde dans lequel nous vivons. Croire que nous sommes le seul paramètre déterminant nos expériences de vie me semble douteux voir même dangereux. Nous avons un impact sur le monde, mais lui n’en aurait pas sur nous ?

Certes nous avons des pensées limitantes, des blessures émotionnelles et d’autres choses. Ces dernières viennent de notre enfance, de nos expériences passées – souvent elles sont dues au rejet, à la violence, à un manque d’amour. Mais qu’est-ce qui fait que, structurellement, nous soyons si nombreuxses à être blessé.e.s ou à avoir des choses à régler avec nous-mêmes ou avec notre passé ? Peut-on toujours imputer cela à des manquements individuels uniquement ? Est-ce forcément une question de travail sur soi, de spiritualité insuffisante ou de karma ? Peut-être, mais pour moi, c’est aussi le signe que nous vivons dans une société… malade, produisant elle-même des individus malades. Je pense que la suite logique d’une introspection et d’un travail sur soi efficaces devrait être la remise en question du système qui a fait naître ces fameux conditionnements qui nous font tant souffrir, génération après génération.

À trop vouloir nous parfaire, n’oublierions-nous pas que si nous pouvons agir sur le monde, le monde aussi agit sur nous ? J’en viens maintenant à mon dernier point…

– La voie de l’inaction :

C’est là le grand piège, à vrai dire : ne rester qu’au service de soi-même au point de ne plus agir pour le collectif, en pensant que cela suffit pour contribuer à un changement sociétal positif. C’est la recette de l’inaction, du pain béni pour les oppresseurs, qui continuent d’oppresser sans rencontrer de résistances de la part de tout un groupe d’individus persuadés que “si on lutte contre quelque chose, on le renforce” !

J’observe une scission plutôt marquée entre la sphère du développement personnel et de la spiritualité et la sphère du militantisme et de l’engagement politique. D’un côté nous avons des personnes, dont certaines se veulent sincères et bienveillantes je n’en doute pas, qui se focalisent principalement sur elles-mêmes et peu sur le collectif ; de l’autre des personnes se concentrant énormément sur les injustices qui règnent sur Terre en s’oubliant parfois elles-mêmes et en frôlant le burn-out militant régulièrement… Je grossis les traits, mais vous avez saisi l’idée.

Quel dommage, si notre but est d’œuvrer pour la paix et la justice, de ne pas créer de pont entre ces deux sphères. Amener un peu de douceur pour nous-même dans notre posture militante afin de la rendre viable et durable et transformer en actions impactantes et en conscience collective les nobles croyances et les outils mis au service du soi : à mon sens, ce serait l’idéal.

Évidemment, personne n’est surhumain.e. Il est naturel de ne pas pouvoir tout faire en même temps, d’avoir des phases, d’être parfois plus focalisé.e sur le monde et parfois plus concentré.e sur soi en fonction de nos besoins et de certains impératifs. J’insiste cependant sur le fait qu’il est à mon sens indispensable de ne pas considérer le développement personnel comme une fin en soi si l’on tient à construire le monde de demain. C’est un outil, qui nous accompagne pour prendre soin de nous certes, qui nous aide à devenir meilleur.e.s, mais ce n’est qu’une partie du puzzle – puzzle qu’il nous faudra bien un jour achever ensemble pour que des sociétés plus justes voient le jour

 

Si nous faisons partie des privilégié.e.s qui ont le luxe de pouvoir prendre soin de nous, comprenons que nous n’avons pas à choisir entre prendre soin de nous et prendre soin du monde.

Nous pouvons faire les deux.
Le monde a besoin de nous. Il en a besoin maintenant.

Et si nous le laissons brûler, où pourrons-nous méditer ensuite ?

 

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J’espère que cet article aura pu éveiller certaines réflexions chez vous. Prenez soin de vous, et merci de m’avoir lue !

Love and good vibes,

– Aurane